Le Groupe TITO (1/4)
Tito ! Vous connaissez ? Non, pas le chef des partisans yougoslaves, le chef d’une petite équipe de patriotes résistants que ses camarades avaient surnommé TITO.
Il s’appelait de son vrai nom Henri Bourlier. En 1943, il avait 25 ans et avait créé une équipe de guerriers spécialisés dans le sabotage.
Il était né le 24 août 1918 à Blussangeaux, un petit village dans et sur le Doubs ; c’était déjà la guerre et son père était au front. En 1938, c’est l’armée, comme c’était à l’époque. En juin 1940, avec la guerre, il était maintenu « sous les drapeaux ». C’est le 17 juin 1940 que le 42ème Régiment d’Infanterie (son corps d’armée) se retrouve sous le feu des troupes allemandes qui ont contourné la « ligne Maginot ». Malgré le manque de moyen, des hommes se battent en désespérés. Ils ne peuvent que ralentir l’allure de la Wehrmacht, mais pas la stopper. Le 22 juin, les troupes épuisées et à bout de munitions sont fait prisonnières. Tito fait partie des rescapés, il est fait prisonnier dans les Vosges et conduit dans une filature à Colmar. Il s’évade du camp de Colmar avant d’être dirigé vers l’Allemagne. Réfugié à Munster chez un camarade libéré parce qu’Alsacien, il y fit connaissance de Jeanne Bolly, celle qui deviendra sa femme plus tard. Après l’Armistice, écœuré par la défaite, il jeta son arme et son livret militaire dans le lac de Gérardmer.
Les Allemands annexant l’Alsace, il ne pouvait plus rester : n’ayant pas de papier en règle, ne connaissant pas le dialecte alsacien, il se serait fait repérer très facilement. C’est la mort dans l’âme qu’il dut se résoudre à quitter sa promise et à retourner chez lui en ne lui disant qu’une chose : « je reviendrai ». Avec son père, écœuré par la défaite et après avoir vu toutes ces familles dans l’exode, il fait serment de retourner, un jour, en vainqueur en Alsace. En août 40, il apprit qu’un général français avait, depuis l’Angleterre, conseillé à tous ses compatriotes de reprendre le combat contre l’ennemi afin de rendre une dignité à la France. Le père Bourlier encourageait son fils à suivre ce général : « il faut foutre les Boches dehors et chaque Français doit agir pour ce résultat ! » Père et fils, avec leur instinct de patriote, réfléchissent déjà à la manière d’y parvenir.
Dès l’automne 1940, Henri part en foret récupérer les armes et munitions. Un dépôt d’obus de 155 désamorcés fut sa plus belle trouvaille. Il cacha les explosifs, démonta et graissa les mitrailleuses abandonnées par les Polonais lors de leur fuite vers la Suisse. Quatre ans plus tard, ce matériel servira à réaliser les premiers sabotages du groupe, car, très tôt, il constitua un petit groupe de « partisans » en attendant l’heure d’ouvrir les hostilités avec l’occupant.
Le temps passe... Après bien des conquêtes, les forces allemandes reculent, en Russie, en Afrique, en Italie. Le débarquement sur les côtes françaises devient inéluctable. Son heure approche…
* * *
En novembre 1943, le lieutenant Joly, alias Valentin, commandant du groupe de Résistance du pays de Montbéliard (voir : Le Maquis d’Ecot), prend contact avec lui pour préparer la lutte armée. En mars 44, c’est la première opération : faire sauter le pont du chemin de fer qui enjambe le canal à L’Isle sur le Doubs. Après avoir neutralisé les gardes-voies, les charges (les obus de 155 de récupération) sont mises en place péniblement (le poids !) mais la mise à feu ne fonctionne pas. C’est l’échec !
Ce sera le 19 mars, quelques jours plus tard, qu’il prendra sa revanche. Le pont a sauté. Son père, réveillé par l’explosion, vient d’entendre le premier signe de victoire.
Le groupe existant, il lui fallait des armes et surtout des munitions. Tito (on commençait à lui donner ce nom) prit contact avec un jeune de sa trempe, Louis Bonnemaille, qui faisait partie d’un groupe de Résistance organisée sur Montbéliard. Grâce à lui et après une attente de six mois, le 1er mai 44, qu’il entendit le message de la B.B.C. : « J’aime le son de la mandoline… »
Il est 13 h, c’est un grand jour ! Cette nuit, c’est le parachutage tant attendu. Pour eux ! Enfin armes et explosifs seront largués sur Etrappe, loin des axes routiers ou ferroviaires.
Après le bruit assourdissant du quadrimoteur, 21 parachutes se déploient avec un claquement à leur ouverture et un bruit de tonnerre au moment où les containers touchent le sol ; le calme de la nuit est impressionnant. Mais maintenant, il faut mettre en lieu sûr tout cet armement, et pour les jeunes du groupe, apprendre à s’en servir, à manipuler les explosifs. A tour de rôle, chacun venait chez le chef, discrètement, le soir, pour s’initier. Heureusement, les explosifs étaient accompagnés de notices explicatives en français. Dans le groupe, l’impatience grandissait, on avait ce qu’il fallait pour passer à l’action.