Les carrières marbrières du Haut-Jura (39) Chassal et Pratz

, par  Eustache

Du marbre dans le Jura ?
Pas tout à fait... mais une qualité de calcaire veiné et coloré qui se prête bien au polissage.

On peut dénombrer environ 80 anciens sites d’extraction de calcaire marbrier en Franche-Comté.
Dans les environs de St-Claude, celles de Chassal et de Pratz, associées à la marbrerie de Molinges, étaient les plus importantes.

A la fin de l’ère secondaire, il y a 115 millions d’années, le Jura était encore (mais plus pour très longtemps) une mer tropicale peu profonde.

Sur ses fonds marins se sont déposés jusqu’à deux cents mètres de sédiments fins, dont il ne reste aujourd’hui que quelques dizaines de mètres au creux des synclinaux de la Haute-Chaîne ou entre Besançon et Gray.

Dans la région de St-Claude, ces calcaires présentent un profil particulier : ils ont été fortement fracturés lors des plissements de la chaîne jurassienne, puis la calcite, teintée de produits de dissolution a recristalisé dans les fissures.

Ces calcaires fins et veinés sont aptes au polissage et ont été exploités dans de nombreuses carrières de la région de St-Claude.

Ils ont pris la dénomination de "marbre" auprès des carriers et sculpteurs, mais les vrais marbres étant des roches métamorphiques, ce sont en réalité, au sens géologique, des "pierres marbrières".

Les deux principales carrières se trouvent à Pratz et à Chassal, de part et d’autre de la vallée de la Bienne.

la Carrière de Chassal

C’est en 1768 que le curé du village découvrit cette pierre veinée jaune ou violette, à laquelle on donna le nom de brocatelle de par sa ressemblance avec les brocards, étoffes brochées de fils précieux.

La brocatelle a été utilisée du XVIIIe au XXe siècle pour réaliser des plaques de commodes, bahuts, crédences, tables de chevet...

La carrière a été exploitée à ciel ouvert à partir de 1822.
Les blocs sont détachés au pic, au coin, à la broche et à la masse, puis écartés à l’aide de pinces à talon (leviers), enfin traînés au treuil jusqu’à l’aire de stockage à l’aide de rondins.

Plus tard, c’est au fil hélicoïdal que sont débités les blocs.

En 1928 commence l’extraction souterraine, plus coûteuse et technique, la qualité et la valeur de la veine de brocatelle justifiant la décision.

La carrière de Chassal est l’une des rares carrières d’extraction souterraine de France. On y extrait des blocs pesant 200 à 300 tonnes, que l’on débite ensuite en plus petits.

On scie au fil d’acier hélicoïdal à raison d’un mètre par jour (travail nuit & jour).
Mais avant cela, il faut 3 mois de travail pour creuser à la broche, les galeries et le puits qui permettront le passage du fil de sciage, évidemment à renouveler parallèlement sur cinq faces du bloc...

Le site d’extraction présente une dizaine d’entrées sur 300 m de falaise, et a été creusé sur environ 80 m en ménageant des piliers de soutènement.

La carrière a été fermée en 1984. Elle est occasionnnellement exploitée, mais à ciel ouvert uniquement.

la carrière de Pratz

Le calcaire marbier de Pratz aurait été exploité de longue date, mais c’est seulement au milieu du XIXe siècle que nous en avons témoignage.
Le marbre de Pratz est apellée Jaune fleuri, ou Jaune Lamartine (riche propriétaire local, père d’Alphonse)

Plusieurs carrières sont ouvertes mais la plus importante est celle de Champied, exploitée de la fin du XIXe siècle à la fin des années 1930. Elle se développe sur 200 mètres de long et 40 à 50 m de large.

La carrière à ciel ouvert est exploitée en fosse : Il faut tout d’abord éliminer la roche de couverture, non marbrière, avant de commencer l’exploitation proprement dite.

La carrière est abandonnée lorsque l’évacuation de ces "morts-terrains", conjuguée à celle des déblais d’extraction du marbre proprement dit devient trop importante et onéreuse.
L’exploitation en fosse limite aussi la surface de l’aire de stockage.

Le front de taille présente deux profils d’extraction :

Dans la partie supérieure (exploitation la plus ancienne), on distingue nettement les traces des pics et des broches, ainsi que les emboîtures ménagées pour les pinces à talon, qui permettaient d’écarter le bloc de la paroi.

Dans la partie basse, plus récement exploitée, c’est le fil hélicoïdal qui a pris le relais.

Très beau site carrier, qu’il faut néanmoins explorer prudemment...

Voir en ligne : Marbres et marbreries du Jura