Les anabaptistes mennonites à Montbéliard

, par  Mitch

Les anabaptistes mennonites forment un courant religieux protestant, né au XVIème siècle. Ils tirent leur nom de Menno Simons, prêtre réformateur radical hollandais (1496-1561).

L’histoire des mennonites est intiment liée à celle du Pays de Montbéliard, où ils sont arrivés au début du XVIIIème siècle.

Cet article n’a pas pour but de faire la promotion d’un courant religieux, mais de présenter l’histoire de ces anabaptistes et de leur arrivée dans le Pays de Montbéliard.

Histoire des anabaptistes

La Réforme

Amorcée dès le XVe siècle et culminante au XVIe siècle, la Réforme protestante est moins une volonté d’un retour aux sources du christianisme qu’un besoin de considérer la religion et la vie sociale d’une autre manière. Elle reflète l’angoisse des âmes, par la question du salut, centrale dans la réflexion des réformateurs, qui dénoncent la corruption de toute la société engendrée par le commerce des indulgences et profitent de l’essor de l’imprimerie pour faire circuler la Bible en langues vulgaires (allemand), en montrant qu’elle ne fait mention ni des saints, ni du culte de la Vierge, ni du Purgatoire.

Commencée par Martin Luther en Allemagne et Ulrich Zwingli à Zurich, puis Martin Bucer à Strasbourg et plus tard Jean Calvin à Paris et Genève, la Réforme touche la majeure partie de l’Europe du Nord-Ouest. Les tentatives de conciliation ayant échoué, elle aboutit à une scission entre l’Église catholique et les Églises protestantes. La contre-réforme catholique engagée à l’issue du concile de Trente ne permet à l’Église catholique qu’une reconquête partielle des populations passées au protestantisme.

L’adoption de la Réforme est aussi un caractère politique. C’est un moyen pour les princes d’affirmer leur indépendance face à une papauté revendiquant une théocratie universelle ou pour les populations de pouvoir se révolter face un souverain mal accepté comme en Écosse et aux Pays-Bas espagnols. La Réforme se traduit donc au XVIe siècle par de nombreux conflits, entre l’empereur Hasbourg et les princes allemands mais aussi des guerres civiles en France, en Angleterre et en Écosse.

(source : Wikipedia)

Un mouvement rapidement réprimé

C’est dans ce contexte houleux, tant du point de vue politique que religueux, que naît le courant anabaptiste : le 21 janvier 1525 à Zurich, un certain Conrad Grebel et plusieurs de ces amis se "re-baptisent" mutuellement. C’est l’un des fondements du mouvement : le baptême doit être librement choisi, à l’âge adulte, et non pas "subi" en étant bébé comme c’était le cas à l’époque.

Ce faisant, ce petit groupe s’oppose à la Réforme prônée par Ulrich Zwingli : ce dernier, proche du pouvoir, venait de faire publier un décret promulguant le bannissement de la ville pour tous ceux qui refusaient de faire baptiser leurs bébés.
Conrad Grebel et ses amis n’ont donc d’autre choix que celui de fuir pour échapper aux persécutions. Certains seront même rattrappés et emprisonnés, torturés ou tués.

Les anabaptistes vont alors trouver refuge auprès de princes bienveillants du Saint Empire Romain Germanique, ceux-ci profitant de l’occasion pour afficher leur opposition au pouvoir centralisateur, ou pour repeupler leurs terres là où la guerre de 30 ans et la peste ont décimé la population.
Parmi leurs destinations, on peut citer le Palatina (Allemagne), le canton de Ribeaupierre (Ribeauvillé, en Alsace), ou le Val d’Argent (Sainte-Marie-aux-Mines).

La loi de l’époque disait "Cujus regio, ejus religio" : la religion du prince est celle de ses sujets (qu’elle soit catholique ou protestante). Ceci aurait pu permettre aux anabaptistes d’émigrer dans des principautés où ils pourraient pratiquer leur culte librement, mais ils furent partout considérés comme un danger pour la stabilité religieuse.
De plus, ils étaient doués pour l’agriculture et pour l’artisanat, réussissaient donc plus vite et mieux que les autochtones, suscitant ainsi rapidement la jalousie de leur prochain.
Enfin, leur principe de non-violence leur interdit de "prendre le service des armes" (devoir légal à l’époque).
Ainsi, les anabaptistes restèrent persécutés pendant tout le XVIIème siècle, et même plus tard par endroit.

Trois terres d’accueil dans l’Est de la France

Au XVIème siècle, c’est à Strasbourg que les anabaptistes peuvent s’installer. La ville restera pour eux la "cité de l’espérance" pour le rôle important qu’elle aura tenu dans l’émergence du mouvement.

C’est ensuite à Sainte-Marie-aux-Mines que les anabaptistes réfugiés trouvent une terre d’accueil, par sa tolérance. Ce sera aussi un carrefour de l’immigration bernoise de la fin du XVIIème siècle.
C’est là notamment qu’un mouvement va se former autour de Jacob Amman à partir de 1693, avant d’émigrer aux Etats-Unis et d’y fonder la communauté aujourd’hui connue sous le nom d’amish.

Enfin, au XVIIIème siècle, c’est à Montbéliard que s’écrit une page importante de l’histoire du mouvement, par l’expansion et la réussite des anabaptistes.

Les anabaptistes à Montbéliard

Léopold-Eberhardt leur confie ses propriétés

Le Duc de Wurtemberg reignant sur le Pays de Montbéliard en ce début de XVIIIème siècle était particulièrement controversé : il était un séducteur invétéré, courtisant des femmes sans titre avec qui il aura une vingtaine d’enfants.
Tenant à les doter, il rachète voire confisque des terres à des particuliers.

Dans le même temps, la communauté anabaptiste de Sainte-Marie-aux-Mines est en pleine expansion et affiche une réussite économique reconnue.
Le Duc Léopold-Eberhardt en aura inévitablement eu connaissance. Il est même très probable qu’il aît rencontré une délégation anabaptiste en 1708 (en évitant toute consignation écrite, ce qui lui ressemblait fort).

Afin d’occuper et de faire fructifier ses terres, il accueille ces anabaptistes que personne ici ne connaissait et les installe dans ses propriétés.
Concrètement, les familles anabaptistes jouissent des bâtiments, des terres et du bétail, en échange bien sûr d’un loyer mais également de leur engagement de cultiver les terres, d’entretenir les bâtiments et les bêtes, de réserver le fourage à leur nouriture (et non de le vendre).

Une première implantation de 9 familles dans des fermes de Clémont et Liebvillers a lieu en 1709. Les propriétaires lésés obtiennent qu’une enquête soit ouverte pour détecter d’éventuelles malversations : les anabaptistes deviennent alors l’enjeu d’un conflit qui les a précédés et qui les dépasse entre le Duc de Wurtemberg et l’administration française.
Moins de 2 ans après leur arrivée, les anabaptistes sont expulsés ; la moitié d’entre eux est relogée à Montbéliard par Léopold-Eberhardt.

En 1712, une ordonnance de Louis XIV impose de "faire sortir d’Alsace, sans aucune exception, tous les anabaptistes quels qu’ils soient". Ceci va déclencher une immigration plus massive des anabaptistes vers le Pays de Montbéliard.

Eberhardt-Louis reconnaît leur réussite

Une fois encore, les anabaptistes vont affronter le rejet de la population locale :
 ils développent avec succès une agriculture moderne et réussissent en quelques années mieux que les populations locales en plusieurs générations, s’attirant ainsi la jalousie ;
 ils sont agriculteurs, mais aussi tisserans, cordonniers, vétérinaires... alors que les chonffes, ces corporations qui régleméntaient les différents corps de métier, interdisaient d’exercer plusieurs professions ;
 leur langue, leur culture, leur mode de vie les singularisaient et n’encourageaient pas à la communication avec le reste de la population.

Néanmoins, les différentes plaintes déposées auprès du Duc n’auront cette fois pour seul effet que de taxer un peu plus les anabaptistes, mais ceux-ci ne seront plus chassés.
Après le décès de Léopold-Eberhardt en 1723, son successeur Eberhardt-Louis confirme les mêmes intensions : alors que le conseil profite de la succession pour s’interroger "s’il est à propos de tolérer les anabaptistes", le nouveau comte répond que "loin d’expulser les anabaptistes, soit par voie directe, soit par moyen indirect, il convient de les tolérer, d’une part en raison de leur conduite sans reproche, et d’autre part parce qu’ils améliorent ses domaines".
Il ajoute même "qu’il faut accorder aux anabaptistes et leur donner à ferme de préférence les domaines de la seigneurie", montrant là son intérêt tout personnel à se montrer tolérant.

Une implantation durable

Parce qu’ils ne subiront pas les persécutions qu’ils ont connues ailleurs, les anabaptistes vont s’installer durablement dans le Pays de Montbéliard.
Ils y seront reconnus pour leur esprit d’entreprendre.

En 1725, les anabaptistes du Pays de Montbéliard obtiennent du prince l’autorisation d’ouvrir leur propre école, à la Petite Hollande.
En 1751, un premier lieu de culte est attesté, et la communauté possède son propre cimetière (au Mont-Chevis).
En 1775, la ferme des Gouttes est aménagée à son tour en lieu de culte, puis c’est le tour de la maison du canal, à Audincourt, en 1832.

Les plans d’origine
L’église mennonite de la Prairie

Avec la guerre de 1870-1871 et l’afflu de réfugiés venus d’Alsace, la communauté s’agrandit et a besoin d’un espace plus grand : le projet d’une nouvelle chapelle voit le jour.

En 1927, les anabaptistes acquièrent auprès du baron Dumas de Chabeau-Latour la ferme de la Prairie et le terrain attenant.
Un premier plan, réalisé par un architecte bâlois, est rejeté. Celui d’Eugène Réess, un enfant du pays, est retenu.
La chapelle de la Prairie est achevée en 1930, entièrement financée par la communauté.
La ferme sera aménagée petit à petit.