La franchise de Belfort a 700 ans

, par  Mitch

Jusqu’en l’an de grâce 1307, Belfort était sous la domination de Renaud de Bourgogne : les terres lui appartenaient, la population lui devait un lourd tribut, et il possédait également le droit de juger.

Ayant besoin de renflouer ses caisses, Renaud de Bourgogne accorde alors à Belfort une charte de franchises, comme il l’avait fait pour Montbéliard en 1283, contre le versement de la somme (considérable pour l’époque) de 1000 livres.

Cette charte accorde aux habitants de Belfort intra muros la liberté de posséder, de transmettre leurs biens, de se déplacer, et de s’administrer eux-mêmes. Ils bénéficiaient également d’importantes exemptions fiscales.

La direction de la ville était confiée à un Conseil, composé de 9 bourgeois de la ville et renouvelé chaque année. Ce conseil était chargé de la basse justice, devait contribuer à la défense de la cité et devait rendre compte de sa gestion devant la communauté toute entière.

Ceci permit au commerce de se développer plus rapidement, et la ville de Belfort connu alors une belle période de renouveau.

Même si cette lilberté se limitait aux murs de la ville, les belfortains devenaient maîtres de leur destin. Les paysans revendiquèrent aussi cette liberté (guerre des paysans en 1525), avant que la contagion ne s’étende à l’ensemble de la société en 1789.

Le texte de la Charte de Franchise

Nous Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard, Guillemette, sa femme, et Othenin, leur fils, faisons savoir que nous avons affranchi et nous affranchissons pour toujours les château, bourg et ville de Belfort et leurs les habitants de tailles, de prise, de corvée, de tous autres services et servitudes, à l’exception de nos rentes et de nos droits de justice.

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- 1) Tout bourgeois, bourgeoise et habitant Belfort qui possède une maison ou un terrain constructible au château, au bourg ou dans la ville dudit Belfort doit tous les ans une taxe de 12 sous par toise de façade. En outre, les bourgeois desdits lieux de Belfort nous ont donné mille livres.
 2) De ce fait, tous les bourgeois et leurs biens doivent être libres de tous autres services et servitudes.
 3) Nous promettons de protéger les bourgeois, bourgeoises, tous les habitants et leurs biens, contre tous, partout et toujours.
 4) Les dits bourgeois, bourgeoises et habitants ont le doit de choisir librement, à l’unanimité ou à la majorité les neuf bourgeois par lesquels Belfort doit être gouverné.
 5) Ils doivent jurer de respecter les droits du seigneur et les droits de la ville.
 6) En tant que seigneur de Belfort, nous désignons un maire, choisi parmi les bourgeois ou ailleurs, pour défendre notre droit et nos intérêts, maintenir notre justice et percevoir nos droits et nos rentes.
 7) Ce maire ne peut lever d’amende, ni emprisonner un homme ou une femme, ni condamner cette personne ou saisir ses biens, si ce n’est par le jugement des neuf bourgeois jurés et de trois ou de deux notables.
 8) Si les bourgeois jurés et ces derniers ne pouvaient pas tomber d’accord, le jugement doit revenir au seigneur.
 9) On ne peut punir d’une amende supérieure à la somme de soixante sous, doublée lors des foires et marchés. En cas de dépassement, les neuf bourgeois et les deux ou trois notables doivent tomber d’accord ou faire appel au jugement du seigneur.
 10) S’il arrivait qu’un des neuf bourgeois fasse défaut, ceux qui restent peuvent le remplacer par quelqu’un d’autre.
 11) En outre, si un bourgeois, bourgeoise ou habitant meurt sans héritier direct, son héritage revient au parent le plus proche, suivant le droit de succession, sauf si un testament établit autre chose.
 12) En tant que seigneur de Belfort ne pouvons rien demander de la succession du défunt, qu’il s’agisse de biens mobiliers ou immobiliers hérités ou acheté par lui.
 13) Le seigneur hérite des bâtards qui n’ont pas d’héritier direct, mais laisse à leur veuve ce dont elle a la jouissance sa vie durant.
 14) Si un bourgeois de Belfort est fait prisonnier ou si ses biens sont pris parce qu’il est notre sujet, nous devons tout faire pour sa libération, y compris en entrant en guerre, suivant l’avis des neuf bourgeois.
 15) Et s’il était pris à cause de nos dettes, nous sommes tenus de payer de notre propre poche et d’œuvrer en toute manière pour sa délivrance, suivant l’avis des neuf bourgeois.
 16) Et si l’emprisonnement ou la saisie ont eu lieu à titre privé ou pour des affaires concernant Belfort, nous sommes également tenus d’intervenir, y compris sous la forme d’une guerre, suivant la proposition des neuf bourgeois.
 17) S’il faut verser une rançon pour libérer le prisonnier ou récupérer son bien, celui-ci doit de la payer de sa poche si sa faute est prouvée.
 18) Mais si c’est parce qu’il habite Belfort qu’il a été rançonné, l’ensemble des bourgeois doit payer, sur décision des neuf bourgeois.
 19) Si nous faisons une guerre ouverte et qu’un bourgeois ou une bourgeoise soit pris, arrêté et dépouillé de ses biens, nous ne sommes pas tenus de payer la rançon ni de réparer les dommages subis.
 20) Si un bourgeois, une bourgeoise ou un habitant déménage, il peut conserver ce qui lui appartient à Belfort, sauf s’il s’installe dans les seigneuries du roi d’Allemagne, du duc d’Autriche ou des personnes avec lesquelles nous sommes en guerre, à qui il n’a pas le droit de vendre ses biens. A part cela, il peut choisir pour seigneur celui qui lui plait et disposer librement de ses biens, tant qu’il continue à payer les taxes qui s’y rapportent.
 21) Un bourgeois établi à l’extérieur continue à payer ce qui relève des usages, des coutumes et des dépenses publiques de Belfort, à l’instar des autres bourgeois, conformément aux décisions des neuf bourgeois. Tous les ans, en compagnie de sa femme, il doit venir y résider pendant six semaines à partir de la fête de Saint-Michel.
 22) Et si un bourgeois ou une bourgeoise habitant Belfort veut déménager définitivement et renoncer à la franchise, il peut vendre, donner, engager et aliéner son héritage et ses biens. Il doit prendre congé du seigneur ou du maire, et le seigneur ou son représentant, doit l’escorter avec ses biens, où qu’il aille, une nuit et un jour. S’il part sans le signaler, il ne bénéficie pas de cette escorte.
 23) Les bourgeois de Belfort ne peuvent pas recevoir parmi eux, pour les faire bénéficier de leur franchise des hommes ou des femmes qui nous payent la taille et vivent dans nos terres à l’extérieur de Belfort, sauf si nous le voulons. Cependant, s’ils le désirent, ils peuvent accueillir toutes les autres personnes, et nous ne pouvons pas leur imposer quelqu’un.
 24) S’il arrivait que les bourgeois aient une guerre, ceux qui habitent à l’extérieur doivent y revenir dans les quinze jours et demeurer pendant la durée des hostilités, selon la volonté des neuf bourgeois. Ils participent aux gardes ordinaires et extraordinaires et y contribuent financièrement. Ils n’assurent pas la garde du donjon, sauf en cas exceptionnel. Ils entretiennent les murs du bourg, les portes, les postes de tir ainsi que les rues et les chemins.
 25) En considération de leur rôle militaire, et dans l’intérêt de Belfort, nous leur donnons pour toujours le bois des Expasses, au dessus de la forêt du Salbert, à l’exception des amendes de 60 sous et de la haute justice que nous conservons pour nous.
 26) De même, nous leur avons accordé pour toujours le droit de mener leurs porcs à la glandée dans nos forêts, comme ils le faisaient jusqu’à présent, à condition de payer une taxe de 2 estévenants pour chaque porc qu’ils élèvent eux-mêmes et de 12 pour ceux qu’ils reçoivent en pension.
 27) S’ils agissent différemment, ils payent l’amende habituelle, conformément à la coutume.
 28) S’il arrivait que nous reprenions Belfort en fief d’un suzerain, nous nous engageons par serment que nous lui demanderons de confirmer solennellement cette franchise.
 29) Sont inclus dans cette franchise Vautiers et Belins de Menoncourt qui demeurent à Offemont et Evrars le Duchez d’Eguenigue, à condition qu’ils viennent s’établir à Belfort, au courant de l’année.
 30) Toutes cela, et chaque point en particulier, nous, Renaud, comte de Montbéliard, Guillemette sa femme et Othenin, leur fils nous promettons de le tenir et de le conserver sans rien n’y changer, et nous renonçons à toute exception et à tout privilège lié à notre lignage, à la suite d’un partage au profit d’une branche cadette, de la constitution d’un douaire ou d’une dot, etc.
 31) Et nous voulons que ceux qui seront seigneur de Belfort après nous jurent expressément de confirmer toutes ces choses et chaque point en particulier et d’en donner des copies authentiques, avant leur entrée officielle à Belfort.
 32) Les habitants ne seront pas tenus de leur obéir tant qu’ils n’auront pas prêté ce serment dans l’église de la ville de Belfort, en présence du commun ou d’une grande partie de celui-ci.
 33) Et si nous avions la mauvaise idée de contrarier ou d’amoindrir les franchises de Belfort, nous voulons être considérés comme parjures qui méritent d’être excommuniés.
 34) Pour plus de garanties, nous acceptons que l’official de la Cour de Besançon puisse prononcer une sentence d’excommunication contre nous et frapper d’interdit nos terres et nos sujets.
 35) Les présentes lettres de franchise ne modifient en rien le droit et la justice que nous avions auparavant en matière de contrainte, au cas où les habitants agiraient mal à notre égard.
 36) Tout ce qui a été dit plus haut, et chaque point en particulier a été institué de bonne foi et en toute transparence, sans que cela puisse porter préjudice aux habitants de Belfort. Nous voulons donc qu’ils en usent, en jouissent et agissent en hommes libres, conformément à la teneur de cette franchise.
 37) Et nous voulons donc que notre droit, notre raison et notre honneur, et ceux de nos représentants y soient également conservés et garantis, sans tromperie, conformément à la teneur de ce qui est exposé et écrit ci-dessus.

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En témoignage et en confirmation de toutes les choses dites ci-dessus, nous le dit Renaud, comte de Montbéliard et Guillemette sa femme, nous avons chacun appendu notre sceau aux présentes lettres et nous avons, avec notre fils Othenin, demandé à l’official de la cour de Besançon d’apposer le sceau de celle-ci aux présentes lettres, par l’intermédiaire de maître Etienne de Heyans, clerc notaire juré à ladite cour. Nous avons encore demandé à notre très cher et bien aimé frère Hugues de Bourgogne d’y apposer son propre sceau.

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Ce fut fait et donné l’an de l’Incarnation de Notre Seigneur Mille trois cent sept, au mois de mai.

La grande fête du 700ème

La signature de cette franchise est désormais considérée comme la naissance officielle de la ville de Belfort, même si sa création remonte à plus longtemps en arrière (la première mention de Belfort se trouvant dans un traité conclu entre les comtes Richard de Montbéliard et Frédéric de Ferrette, le 15 mai 1226).

Pour célébrer cet anniversaire, de nombreuses festivités ont été organisées pendant toute l’année 2007 : feux d’artifice, carnaval, expositions, colloque et, en guise de bouquet final, un grand week-end de fête les 15 et 16 septembre.

Au programme :
 un marché médiéval dans toute la vieille ville
 des reconstitutions historiques
 des démonstrations de la vie au moyen-âge (vieux métiers, vie quotidienne, hommes en armes...)
 des spectacles
 des jeux
 un grand défilé final, avec toutes les troupes ayant animé ce magnifique week-end.

Sous un beau ciel bleu, ce sont plus de 100 000 personnes qui sont venu assister à ces deux jours de festivités.

Le site

Les fossés des fortifications belfortaines étaient un cadre idéal pour les démonstrations et certaines reconstitutions historiques.

Des personnages hauts en couleurs...

Toute la journée, nous avons croisé des personnages "d’époque", membres de l’animation ou simples visiteurs venus déguisés (des costumes étaient disponibles en location à la mairie).

... et d’autres encore plus étonnants !

brrr.... ’font froid dans le dos, ceux-là !!

Les couleurs étaient sorties

Des scènes de la vie quotidienne...

Le campement
Le campement
Les forgerons
Les forgerons
Les instruments de musique
Les instruments de musique
Musique ancienne

... et de la vie militaire

Les armures
Les armures
Les archers
Les archers
Les soldats en patrouille...
... et aux canons !
Des démonstrations de combats...
... et de tirs de catapultes
Démonstration de tir au canon
Démonstrations de combat

Même les plus petits étaient de la fête

Un futur archer...
... et des futurs chevaliers
Reconstitution historique !
à l’assaut des remparts de Belfort !

Voir en ligne : le site des 700 ans de Belfort