La musique traditionnelle comtoise

, par  Nicolas

Cancoillotte.net n’est pas peu fière de s’associer aux Alwati, groupe de musique comtoise traditionnelle qui sillonne depuis des années les routes de Franche-Comté et d’ailleurs afin de faire à nouveau battre la mesure au rythme de la musique du pays ! Grâce à leur collaboration éclairée, nous sommes en mesure de vous proposer une présentation de la musique traditionnelle comtoise qui, nous l’espérons, suscitera des vocations !

Qui sont les Alwati ?

L’association se définit comme un groupe traditionnel comtois. Créé en 1979 à La Loye près de Dole, il porte le nom des habitants du village en dialecte franco-provençal. Ses objectifs sont de collecter, transmettre et promouvoir le patrimoine comtois dans quatre domaines :
 la musique instrumentale
 le chant (chœur d’hommes)
 la danse (bal folk)
 l’artisanat (cardage, filage, broderie, rémoulage, etc.).

Pour atteindre ces objectifs, les Alwati proposent des concerts, des bals, des veillées à l’ancienne et des démonstrations artisanales. En 25 ans, ils ont réalisé pas moins de 850 sorties, contribuant ainsi à faire (re)découvrir un pan méconnu de notre patrimoine. Dans le même but, ils ont également réalisé des enregistrements (cassettes puis CD) et publié des études. Si la musique demeure le cœur de leur activité, les Alwati s’intéressent aux traditions au sens large du terme, comme le montrent la publication récente d’un recueil de 80 recettes de gaudes, et la préparation d’un DVD consacré à la " Mémoire du geste des petits métiers ".

Contact : Henri Meunier
119 rue du Val d’Amour
39380 La Loye
03.84.71.75.18
alwati39@gmail.com
le site officiel des Alwati : www.alwati.com

L’Intérêt de la musique traditionnelle

"On les oublie !... Ces chansons populaires. C’est l’œuvre du passé, un passé lointain... Mais si le peuple a oublié ses chansons, il appartient à ceux qui ont à cœur de conserver le souvenir de la vie d’autrefois, d’en évoquer et d’en conserver le lointain souvenir ". Voilà ce qu’écrivait en 1924 Julien Tiersot, originaire du Haut-Jura et important folkloriste de la chanson française. Mais pourquoi garder ces souvenirs ? On peut relever un double intérêt :

Intérêt sociologique

Aujourd’hui, l’évolution des économies fait craindre le nivellement des cultures. Dans ce contexte, la sauvegarde des cultures régionales, en France comme ailleurs, peut alors prendre figure de trésor.
André-Marie Despringre, auteur d’une thèse sur la vie musicale dans le secteur de Saint-Claude, écrit en 1975 : "A l’aube de notre époque post-industrielle, il semble important pour beaucoup de faire référence à d’anciens modes de vie traditionnels, référence non plus à cause de leur caractère archaïque cher aux romantiques, mais plutôt parce qu’ils sont devenus des lieux possibles d’un ressourcement culturel faisant intervenir un réel désir d’une recherche d’identité régionale ".

Intérêt musical

Le collecteur Henri Grospierre note en 1924 à propos des vieilles chansons populaires du Jura : "Il y a parmi ces chansons, il faut le dire et le redire, de véritables perles artistiques. Naïves et franches, comme tout ce qui est sorti de l’âme du peuple, elles ont parfois une délicatesse, une pureté de ligne qui force l’admiration des maîtres de la Musique".
Bref, ces airs peuvent être tellement anciens qu’ils en (re)deviennent contemporains. Les Alwati ont fait de cette phrase de Stravinsky leur devise : "s’occuper de traditions, ce n’est pas transmettre des cendres, mais transmettre la flamme".

Le patrimoine musical comtois

Pour être peu connu, un patrimoine musical traditionnel existe pourtant bien en Franche-Comté.
Certes, vu la circulation des airs de musique d’une région à l’autre, il ne faudrait pas prétendre à une pure spécificité pour toutes les chansons. Nous appelons comtois ce qui se chantait et se jouait autrefois en Franche-Comté.

Les collecteurs

Depuis le milieu du XIXe siècle, nombre de collecteurs se sont succédés pour parvenir à une moisson remarquable.
Afin de mieux les situer, voici les principaux avec des dates de publications : Max Buchon (1865), Charles Beauquier (1894), Marguerite Henri-Rosier (1925), Henri Cordier (1929), Jean Garneret et Charles Culot (1971, 1972, 1985), André-Marie Despringre (1974), Colette Dondaine (1997), sans oublier le collectage sur disque vinyle en Petite Montagne du Jura par Patrice Martinot et Sylvestre Ducaroy (1985)...
Sans considérer la collecte terminée, le total se monte actuellement à sept cents mélodies, témoignant ainsi d’un joli patrimoine qui ne demande qu’à fructifier. Pour le sauvegarder et le diffuser, un centre comtois d’archivage des musiques et traditions orales s’avère indispensable.

Les interprètes actuels

Les formations qui interprètent de la musique traditionnelle comtoise sont peu nombreuses. Outre les Alwati, citons encore les Grandvalliers, Chamave, le Groupe folklorique populaire jurassien (à Lons), Les sygovies de Vercia, ainsi que Croque-notes et Entre-porte dont le répertoire est mixte (comtois et français). D’autres groupes, qui revendiquent davantage l’étiquette du folklore, sont également réputés pour leurs spectacles de danse en costumes traditionnels, comme les Corrévrots à Lure ou les Gauchnots à Luxeuil.

Les instruments

Parmi les instruments traditionnels comtois, on rencontre la vielle, la clarinette, le violon, l’accordéon, la flûte, etc. On le voit, aucun de ces instruments n’est donc spécifiquement comtois.

Plus originale, l’épinette des Vosges est une variété de cithare propre au sud du massif qui lui a donné son nom. Jouée autrefois dans les fermes lorraines et comtoises de cette zone frontière, elle connaît aujourd’hui un certain renouveau.

Lorsque les Alwatis interprètent le répertoire traditionnel comtois, la présence de la cornemuse suscite toujours l’étonnement. Pourtant, on en a joué en Franche-Comté bien avant que les Ecossais ne la découvrent au XVIIe siècle !
Probablement née autour de la Méditerranée dans l’Antiquité, elle se répand dans toute l’Europe. En Franche-Comté, on joue de la cornemuse dite du Centre (de la France, élargi de l’Atlantique au Jura), distincte de ses cousines bretonne et écossaise. Dans la région, elle est attestée par oral, par écrit et par l’iconographie :
 par oral : en patois, dans le Doubs, on l’appelait la " dondaine "
 par écrit : plusieurs textes en mentionnent l’usage au cours du XIXe siècle
 par l’iconographie : c’est elle qui apporte les témoignages les plus nombreux et les plus anciens : on jouait de la cornemuse en Franche-Comté dès le Moyen Age.
Toute proportion gardée, c’était sans doute un instrument aussi répandu que la guitare électrique aujourd’hui. Disparue des mémoires collectives au cours du XXe siècle, la cornemuse a été réintroduite dans le paysage musical comtois à la fin des années 1980 en particulier grâce aux Alwati.

Quel avenir pour la musique traditionnelle comtoise ?

Aujourd’hui, grâce au travail de collecte et de recherche réalisé, on peut considérer que les bases sont jetées pour un renouveau.
Pour autant, la musique traditionnelle comtoise a encore plusieurs défis à relever si elle veut retrouver la place qu’elle mérite.

Le risque d’amnésie

Bien que les collectes réalisées au cours du siècle écoulé aient livré une abondante moisson, il existe dans la mémoire de nos aïeux encore un certain nombre de chants et de mélodies inédits.
Si vous-même ou vos proches avez connaissance de tels fragments de notre patrimoine musical, ayez le réflexe de les enregistrer sans remettre à plus tard... Il faut souligner que la Franche-Comté est une des dernières régions française à ne pas posséder de centre d’archivage des musiques et traditions orales (la Bourgogne, elle, en a quatre). C’est d’autant plus grave que les enregistrements sur bande se démagnétisent ou peuvent être perdus à jamais par des moisissures. Tous les enregistrements réalisés par le tandem Garneret-Culot (voir bibliographie) sont directement menacés, dans l’indifférence générale...

L’étiquetage de la "ringardise"

Contrairement à nombre de régions françaises qui ont su redécouvrir, transmettre et adapter leur patrimoine musical, la Franche-Comté souffre d’une vision négative de sa musique traditionnelle, volontiers taxée de ringarde. C’est ce que l’on disait de la musique bretonne il y a trente ans, avant que les Tri Yann et autres Stivell ne s’y mettent, c’est ce que l’on disait en Morvan il y a encore quinze ans, avant qu’une poignée de passionnés ne fassent redécouvrir le charme des mélodies et airs à danser morvandiaus.

Combien d’années allons-nous encore attendre avant que la Franche-Comté se décide à aimer sa musique, à la considérer comme une source d’inspiration artistique, une matière vivante à pétrir ? Faudra-t-il que des ethno-musicologues parisiens lui expliquent que la world music comtoise a autant d’intérêt que la musique celtique ou que les flûtes de pan du Pérou ?

Un combat et trop peu de combattants

Conséquence immédiate de ce déficit d’image, les interprètes de musique traditionnelle comtoise sont trop peu nombreux. Ainsi, le festival de musique comtoise de Mont-de-Laval a dû s’interrompre en 2000 après quatre années, faute de musiciens prêts à interpréter le répertoire comtois. Triste paradoxe que de constater que si le groupe bourguignon La mère folle prend plaisir à interpréter des airs comtois, les musiciens comtois continuent à ignorer leur propre répertoire régional.

Le risque d’uniformisation par le folk

Aujourd’hui, les villes comtoises, comme tous les centre urbains de France, connaissant ces bals fort conviviaux où l’on se retrouve pour danser scottish, bourrée ou mazurka au son des instruments traditionnels. Pourtant, ces bals folks tendent à uniformiser les traditions : un bal folk à Saint-Claude ressemble à un bal folk à Valenciennes ou à Bordeaux : on y joue de la musique traditionnelle de partout, sans lien avec le lieu du bal. Le danger est de tomber dans une musique de nulle part, sans attache, sans racine, sans ancrage dans une communauté concrète. Entre régionalisme chauvin et mondialisation du folklore, il y a sans doute un juste milieu à trouver.

Pour autant, grâce aux efforts de passionnés, le fil de la tradition est renoué, condition nécessaire pour recréer une pratique musicale et pour innover. L’avenir de la musique comtoise passe par sa réappropriation par la population. Alors essayez ! Ecoutez ! Jouez ! Adaptez ! Nous vous donnons ci-dessous toutes les clefs...

Pour en savoir plus

Des recueils

 Jean GARNERET et Charles CULOT, Chansons populaires comtoises , 3 tomes (le premier est épuisé), (1971, 1972, 1985), Folklore comtois, (La Citadelle, 25000 BESANCON). Les tomes II et III sont également disponibles au musée des Maisons Comtoises de Nancray. Site internet : http://www.maisons-comtoises.org

Plus de 500 chants d’autrefois, en patois ou en français, ont été rassemblés dans ce recueil. Tous sont accompagnés de partitions. Les thèmes abordés sont extrêmement variés : chants d’amour et de soldats, chants de mariage... et de couvent ! Il y en a pour tous les goûts, et pour toutes les humeurs.

 Colette DONDAINE, Noëls au patois de Besançon , éditions Jacques et Demontrond, Besançon, 1997.

Colette Dondaine, la spécialiste des parlers comtois, propose ici la réédition de chants composés à Besançon au début du XVIIIe siècle pour animer les soirées de l’Avent. Tous ces chants sont accompagnés de partitions. Ancêtres de la Crèche, les noëls au patois de Besançon mettent en scène les humbles, bergers et vignerons, qui se réjouissent de la naissance du Sauveur et lui présentent leurs doléances.

Des études

 [Collectif], La tradition franc-comtoise , tome 3 : Musique et danse, éditions Mars et Mercure, Wettolsheim, 1979, [épuisé].

Un des volumes de cette collection présente dans toutes les bibliothèque comtoises et reconnaissable à sa couverture rouge marquée aux armes de la Franche-Comté est consacré à la musique et aux danses. Rédigés par des spécialistes de la question, les chapitres traitent successivement de la vie musicale dans le Haut-Jura au début du XXe siècle, des sociétés de musique, de l’épinette des Vosges, du ménétrier, des spectacles itinérants autrefois en tournée dans la région, de la crèche, du mouvement folk, de la tradition chansonnière, des danses populaires et enfin des ménétriers comtois en Suisse romande.

 Henri MEUNIER, "La cornemuse en Franche-Comté et à l’entour" , dans La Racontotte, nature et traditions comtoises n° 57, automne 1999, pp. 6-16 (Contact, commande : M. Daniel LEROUX, 25510 MONT-DE-LAVAL, tél. 03 81 68 91 91).

Ce passionnant dossier apporte les preuves irréfutables de la présence fort ancienne de la cornemuse en Franche-Comté, et dresse l’inventaire de ses représentations.

 " Musiques traditionnelles ", dossier paru dans le bulletin annuel des Amis du Vieux Saint-Claude n° 27, 2004, pp. 2-14 (contact : " Amis du Vieux Saint-Claude ", Archives municipales, Hôtel de Ville, 32 rue des Prés à Saint-Claude ; adresse postale : BP 123, 39206 SAINT-CLAUDE CEDEX, tél. 03 84 41 42 64, site internet : http://www.amis-vieux-st-claude.fr.st

Ce dossier très complet rassemble les contributions de :
 Henri MEUNIER : " Musiques traditionnelles en Franche-Comté " (pp. 2-10)
 André VUILLERMOZ : " La chanson populaire dans le Haut-Jura " (pp. 11-12)
 Véronique ROSSI : " Folklore chanté du Haut-Jura : biblio-discographie " (pp. 13-14)

Des disques

 Victor DAGOT (accordéon), Henri LAMBERT (violon) et Paul LAMBERT (clarinette), Musiques en Petite Montagne . Disque de collectage, réalisé par Patrice MARTINOT et Sylvestre DUCAROY, 1985, MR 4006.
Un vieux vinyle aujourd’hui presque épuisé (Henri Meunier des Alwati n’en a plus qu’une paire en dépôt).

 LES GRANDVALLIERS (trio de cornemuses), Noëls anciens et airs profanes de Bourgogne et de Franche-Comté , CD, L’autre distribution, 1997, HP 303.

Voici le disque idéal pour se replonger dans l’atmosphère des veillées de l’Avent : le trio de cornemuses, secondé d’une vielle et d’un violon, interprète plusieurs mélodies des Noëls bisontins du XVIIIe siècle, en alternance avec des airs à danser empruntés pour certains au collectage en Petite Montagne. Malgré son titre, les morceaux joués sont presque exclusivement comtois.

 LES ALWATI ET LA MERE FOLLE, Traditionnel comtois , CD, vol. 1 : " Airs à danser, chants de métiers et de région ", 2001, vol. 2 : " chant d’amour et airs à danser ", 2004.

Avec leurs amis bourguignons de la Mère folle, les Alwati présentent un florilège de chants et de danses issus pour la plupart du recueil de Jean-Garneret et Charles Culot, et secondairement de la collecte en Petite Montagne. La diversité des thèmes et des mélodies font de cette collection une véritable anthologie de la musique traditionnelle comtoise. Une importance particulière est accordée au chœur d’hommes.

Des sites internet

http://jeanluc.matte.free.fr/

Ce site propose un inventaire de toutes les représentations de la cornemuse en France, classées par ville et département. Souvent illustrées, les notices sont régulièrement complétées par les internautes. N’hésitez pas à indiquer à l’auteur les cornemuses comtoises qui lui auraient échappé !

http://epinette.des.vosges.free.fr

Site de l’association "épinette des Vosges" dont le but est de perpétuer une tradition ininterrompue dans les Vosges méridionales depuis au moins 250 ans. Tout en poursuivant ses recherches sur l’instrument, elle partage sa passion et ses connaissances au travers d’animations, d’expositions et surtout de concerts-conférences où sont présentés l’instrument et son répertoire... et de ce site que nous vous invitons à découvrir.

http://epinette.free.fr/

Le site de l’épinettier Christophe Toussaint est une véritable mine d’or. En effet, outre les informations d’un professionnel sur l’instrument qu’il fabrique à la suite de son grand-père, son site contient, en fichier Midi, les mélodies des 173 premiers morceaux publiés par Jean Garneret et Charles Culot dans le premier tome de leur recueil de Chansons populaires comtoises (1971), soit les chapitres : complaintes, chants historiques, chants de conscrits et de soldats, chants des métiers, chants des fêtes et enfin chansons d’enfants.

http://users.belgacom.net/jlb/epinette/epinette.html

Si les mélodies en fichier Midi ne vous charment pas, vous pourrez entendre le véritable son de l’épinette des Vosges sur ce site belge enrichi de moult détails techniques sur l’instrument, son histoire et sa répartition.

http://www.rassat.com/index.html

Ce site propose une sélection de plusieurs centaines de chants populaires de tous les anciens pays de France, dont une vingtaine pour la Franche-Comté. Aux paroles sont jointes les mélodies sous Midi ou MP3, et certains chants sont également accompagnés de leurs partitions. Ce site contient également un répertoire de nombreuses légendes et croyances populaires.

http://correvrotslurons.free.fr/

Le site officiel des Corrévrots, groupe folklorique de Lure, présente non seulement la musique traditionnelle qu’il interprète, mais également les costumes et les danses qui ont fait sa renommée dans l’Europe entière.