Un scotch ou deux ?

, par  Jean-Louis

Madame Marina Capediou venait d’être réélue au Conseil municipal de la commune de Tarbets en Ariège. Dans cette petite commune où il n’y a que onze conseillers municipaux, elle avait réussi l’exploit d’être la seule à avoir recueilli 100% des voix ! Ce plébiscite la mettait dans l’obligation morale de fournir l’apéritif lors du pot traditionnellement offert aux habitants après l’installation des élus. Profitant d’un déplacement en Andorre voisine, Marina crut bon de s’approvisionner en whisky dans un de ces supermarchés qui fleurissent entre le Pas de la Case et Andorre-la-Vieille. Ces centres commerciaux sont avant tout des pièges à touristes et non des antres à contrebandiers comme certains cherchent à le faire croire, oubliant de dire que la vigilance des douanes y est plus accentuée qu’ailleurs. La contrebande en Andorre est à la contrebande, ce que le Mc Do est à la grande cuisine.

Après avoir acheté ses deux bouteilles, du Chivas tout de même, Marina arrive à la douane où contrairement à l’habitude, les douaniers font du zèle. Celui qui la contrôle, lui rappelle les règles qui ne sont d’ailleurs qu’une tolérance : une bouteille d’alcool par personne et pas plus. Marina n’a guère le choix car le gabelou a repéré les deux bouteilles sur le siège avant : soit elle abandonne une bouteille sur place, soit elle va la rendre au vendeur qui, s’il est un bon commerçant, lui reprendra à un prix honnête. Marina essaye bien de négocier mais le douanier se montre intraitable. « Vous êtes dur ! » lui dit-elle d’un ton chagriné en faisant demi-tour.

Arrivée devant la grande surface, Marina fait la queue, sa bouteille à la main, devant le guichet « Remboursement-échange ». Vient son tour et à la question de la caissière « C’est pour un échange ? » elle se voit répondre machinalement « Oui ».
« Vous voulez une autre marque ? »
Marina a une hésitation et subitement demande « Non, mais je n’ai pris qu’une bouteille alors que je voulais un carton de six ! ».
Le chef de rayon qui a entendu la demande, la félicite « Vous avez raison, Madame, ce serait bête de vous priver ! Aussi je vous fais 15% de remise sur le prix du carton ». Ravie de cette opportunité, Marina glisse le carton sous son siège et repart vers la douane. Forte de son intuition féminine, elle choisit de repasser devant le même douanier à qui elle déclare en montrant la seule bouteille de Chivas restée sur le siège passager : « Vous avez quand même été bien dur avec moi ».
« Allez, passez » lui fait signe le douanier tout fier d’avoir su montrer sa mâle autorité !