rue des planchettes

, par  le riolu

Rue des Planchettes

Marguerite cette jeune mariée se désolait. Au bout d’un an, elle n’avait toujours pas de petit. Elle ne pouvait concevoir sa vie sans donner un rejeton à son époux bien-aimé.
Un matin d’automne, elle descendit dans la plaine, pleurant sur son pauvre sort. Assise sur un rocher, les larmes lui coulaient des yeux sans qu’elle puisse les stopper. A ses pieds une petite mare se formait. Plus la journée s’avançait, plus la gouillasse (mare) s’agrandissait, à tel point qu’un lac apparut. Peut-être est-ce là l’origine du lac de Saône ? N’en pouvant plus une R’noglie (animal mythique proche du crapaud) sortit de l’onde et lui dit :
 "Arrête un peu tes jérémiades, et l’eau qui coule de tes yeux, tu vas finir par tout noyer ici".
 "Je n’ai pas d’enfant ! Qui pourra aider mon mari aux travaux des champs ? Qui s’occupera de nous au dari-temps (mauvais temps) ?’’
 "Retourne chez toi, tu en auras bientôt des enfants. Et tu ne pourras plus alors te plaindre.’’

Un peu estomaquée qu’un crapaud ait pu lui parler, elle s’en retourna chez elle, mais n’en parla à personne, même pas à moi qui vous conte son histoire. Effectivement son ventre commença à abriter une vie puis deux, puis trois. Quarante baptêmes furent célébrés. Si toute cette marmaille emplissait les cours de joie, il n’en allait pas de même pour les travaux ménagers et ceux des champs. Les planches agricoles et les sous ne grandissaient pas aussi vite que les enfants et leurs appétits. La famine sévissait et les parents toujours trop bons, comme le sont tous les parents, donnaient leurs propres parts aux petits. A bout de force, ils moururent.
Le notaire voyant le petit héritage, après avoir enlevé sa quote-part, divisa le champ en quarante petites planches, où l’on ne pouvait cultiver que quelques légumes. Cela devint les planchettes. Allez voir cette rue, vous verrez que les descendants y cultivent toujours des légumes.

Le riolu