La protection du patrimoine à Montbéliard

, par  Mitch

Si de très nombreuses communes se penchent aujourd’hui, parfois depuis plusieurs années, sur la protection et la mise en valeur de leur patrimoine, Montbéliard a la particularité d’être labellisée "Ville d’Art et d’Histoire". Ceci lui permet, entre autres, d’avoir du personnel formé à la présentation du patrimoine local et des actions entreprises en sa faveur.
Et c’est pour nous l’occasion de vous faire découvrir des aspects méconnus de ce travail ô combien précieux.

Aspects légaux

Une protection datant d’un siècle

La loi sur la protection des monuments historiques date du 13 décembre 1913. Il s’agissait alors de protéger les sites qui possédaient un "intérêt historique".
Cette responsabilité appartenait à l’Etat, représenté par un Architecte des Bâtiments de France.
Lorsqu’un bâtiment était classé "monument historique", son propriétaire se voyait soumis à des contraintes pour ses travaux d’aménagement ou de réhabilitation (aussi bien pour les façades que pour l’intérieur), parfois d’une obligation d’ouverture au public, avec en retour une contrepartie fiscale.

La loi de 1930 sur les sites naturels étend la précédente réglementation aux abords du site : on ne considère plus le bâtiment seul, mais on prend désormais en compte le bâtiment ET son environnement.
Les contraintes d’aménagement et de réhabilitation concernent donc également le voisinage ; on parle d’une contrainte de "co-visibilité", dans un rayon de 500m².
Notons que c’est toujours une compétence de l’Etat.

Parmi les exemples de réhabilitation, on peut citer la Citadelle, détruite par les troupes de Louis XIV lors de l’annexion de la Franche-Comté, et aujourd’hui aménagée en parc (le parc des miches).

La décentralisation montre la voie

La loi du 7 janvier 1983 sur la décentralisation voit la création des Zones de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain (ZPPAU). Cette loi sera élargie le 8 janvier 1993 au Patrimoine Paysager.
Ces ZPPAUP sont un outil pour reconnaître, sauvegarder et mettre en valeur le patrimoine.

Le champ d’action s’élargit, puisque ces nouvelles lois englobent dans la notion de patrimoine tout ce qui singularise un lieu et lui donne son identité.
Ainsi, alors que la notion de monuments historiques ne concernait à Montbéliard que le Château de Ducs de Wurtemberg, le temple Saint-Martin, les Halles et l’église Saint-Maimboeuf, c’est désormais tout le coeur historique de la ville qui est protégé : tout le centre-ville, la "Neuveville" (autour de Saint-Mainboeuf) et la Citadelle.

Il s’agit désormais d’une compétence partagée entre l’Etat et les collectivités locales : les décisions des Architectes des Bâtiments de France deviennent des prescriptions et des recommandations (assorties là encore de compensations fiscales), des "guides de bonne conduite" en quelques sorte.

Enfin, c’est une approche désormais dynamique du rôle du patrimoine : il s’agit pour la commune et pour ses habitants de se ré-approprier le patrimoine dans la vie quotidienne de la ville.
Concrètement, toutes les (re)constructions au centre ville se font en harmonie (de forme, matériaux, couleurs, volumes...) avec l’existant.

Histoire et industrie

Sans retracer toute l’histoire de Montbéliard, un rapide retour en arrière s’impose.

Le temple Saint-Martin
Le plus ancien lieu de culte luthérien de France

Pendant 8 siècles, le coeur historique de Montbéliard se développe

Les premières traces écrites de Montbéliard remontent à la fin du Xème siècle. La ville se développe peu à peu sur l’esplanade du château ainsi qu’à ses pieds (du côté de l’actuelle rue de Belfort).
Grâce à sa situation géographique privilégiée, au croisement d’importantes routes commerciales, la ville connaît un essor économique et s’agrandit : le coeur historique de la ville prend forme, au sein de ses remparts.

Le règne de Frédéric 1er va voir apparaître l’Hôtel des Gentilhommes (encore présent sur l’esplanade du Château), le temple Saint-Martin (le plus ancien lieu de culte protestant de France), les Halles, un collège universitaire, et même tout un quartier (la Neuve-ville, près de l’actuelle église Saint-Mainboeuf) pour accueillir les protestants persécutés.

L’industrie va faire "exploser" la ville

Au XVIIIème siècle, deux constructions majeures arrivent à Montbéliard : le chemin de fer et le canal du Rhône au Rhin. Ajoutés au dynamisme économique déjà reconnu, c’est le début de l’industrialisation du Pays de Montbéliard.

En 1909, Peugeot s’installe dans la Vouaivre. Son gigantesque développement économique va faire venir des milliers de familles : l’usine sochalienne comptera jusqu’à 40 000 employés !
La ville se métamorphose pour accueillir cette population, et son riche coeur de ville va en pâtir :
 de nouveaux quartiers (Chiffogne, Petite Hollande, Grands Jardins...) sont créés, et le centre-ville perd sa fonction d’habitat et de cadre de vie ;
 la ville est banalisée, devenant un lieu de passage : la Lizaine et la Schliffe sont couvertes pour devenir des routes (notamment le boulevard circulaire, balisé à la manière d’une autoroute), les parcs et les démolitions deviennent des parcs de stationnement ;

Quand crise rime avec prise de conscience

La fin du XXème siècle ne montre plus la même tendance :
 les difficultés économiques se font clairement sentir, et l’industrie toujours bien présente laisse peu à peu la place au tertiaire ;
 la population ne croît plus, et il faut que la ville déploie de nouveaux atouts pour continuer à se développer.

Dans le même temps, une prise de conscience s’opère : oui, les centres anciens ont un rôle à jouer dans la vie de la cité, parce qu’ils concentrent les pouvoirs et les fonctions urbaines privées et politiques, parce qu’ils sont facteurs de mixité (contrairement aux quartiers) et de convivialité, parce qu’ils sont le symbole de la mémoire de la ville...

La patrimoine de Montbéliard va pouvoir réapparaître aux yeux des montbéliardais...

Quel patrimoine à Montbéliard ?

Yorbe

Le toisé et les yorbes

L’une des particularités du centre de Montbéliard, c’est l’implantation des habitations : les parcelles sont étroites et profondes.
Pour l’expliquer, il faut remonter au Moyen-âge : en échange de la charte de franchise, Renaud de Bourgogne demande un impôt sur le toisé, proportionnel à la largeur de la devanture (la toise étant l’instrument de mesure).

Conséquence de ces constructions étroites : l’accès n’est pas simple ! Pour s’adapter à ces contraintes, les habitations sont alors séparés en 2 espaces, l’un donnant sur la rue et l’autre sur l’arrière, avec entre les deux une cour intérieur.
Dans cette cour, un escalier à vis sur pilier central, présentant un noyau plein ou non, permet l’accès aux étages : c’est la yorbe (ou viorbe). Elle est le plus souvent dans une tourelle (ronde ou carrée, parfois octogonale),

Notons enfin que certaines de ces parcelles sont adossées au rocher du château, d’autres sont construites de part et d’autre des anciennes fortifications (c’est notamment le cas vers les Halles), et d’autres enfin sont "traversantes" et donnent sur deux rues.

Fenêtre à meneaux

Les façades des maisons

Au XVIème siècle, le quartier du château avait une activité commerciale, dont les façades sont encore les témoins. En effet, même si nombre d’entre elles ont été modifiées, on retrouve encore fréquemment des arcades ou des vitrines.
De nombreux artisans avaient au rez-de-chaussée de leur maison à la fois leur atelier et leur boutique, ce qui leur permettait de travailler chez eux.

Les fenêtres ont également leurs particularités, avec plusieurs formes possibles : fenêtres à meneaux doubles ou triples, rectangulaires ou carrées, ou parfois circulaires (occulus). Elles s’appuient parfois sur le bandeau horizontal qui traverse la façade, et ne sont pas toujours alignées ou régulières.
Ces éléments esthétiques datent de la Renaissance : bandeau et meneaux sont des éléments architecturaux utilisés par Heinrich Schickhardt dans ses constructions (le collège universitaire, par exemple) avant d’être repris dans des constructions privées.

Tchâfa

Les toitures et les tchâfas

La plupart des anciennes habitations du coeur historique de la ville ont des toits à 2 pans, avec une inclinaison assez forte. Bien avant la création des gouttières, c’est une rupture de pente dans le bas de la toiture qui permet d’écarter du mur l’écoulement des eaux de pluie, protègeant ainsi les façades.

Sous leurs toits, les montbéliardais stockaient les fruits de leurs récoltes, mais comment les hisser là-haut dans leurs habitations étroites et leurs yorbes ? Les "tchâfas" apportent une solution : ces fenêtres de toit sont construites dans l’alignement de la façade et munies d’une poulie, facilitant ainsi l’engrangement des produits.

Pour finir ce chapitre consacré aux toitures, notons qu’il existe plusieurs types de tuiles à Montbéliard, dont la tuile "fer de lance" traditionnelle du Pays de Montbéliard.

Le patrimoine mis en valeur grâce aux Zones de Protection

C’est tout le périmètre du centre historique qui est concerné :
 le coeur de ville, qui était délimité par les anciennes fortifications ;
 la Neuve-ville ;
 le quartier de la Citadelle ;
 le quartier des Graviers (entre le Château et l’Allan).

Naturellement, les principaux édifices du coeur de Montbéliard ont été réhabilités :
 le Château des Ducs de Wurtemberg, avec au passage la démolition de plusieurs bâtiments autour du château pour le rendre plus visible ;
 le temple Saint-Martin, nettoyé et rénové avec soin ;
 le bâtiment des Halles, encore en travaux aujourd’hui (2010) ;
 la maison Bosquette et le temple Saint-Georges, maison d’habitation et dépôt grisâtre devenus un centre de conférence moderne ;
 le nouveau quartier Velotte, venu remplacer avec bonheur un vulgaire et triste parc de stationnement ;
 sans oublier le pavage des rues (avec notamment le marquage au sol des portes médiévales de la ville) et le ravalement des façades.


Enfin, la préservation de ce patrimoine s’accompagne d’une communication, destinée tant aux Montbéliardais qu’aux touristes venus visiter la ville.
Des visites guidées sont organisées chaque année entre mars et fin août dans tout le Pays de Montbéliard, permettant à chacun d’apprendre à "lire" ce patrimoine, à se le ré-approprier.